Le Dragon
Oeuvre de : Evgueni Schwarz.
Depuis 400 ans, un dragon tricéphale et terrifiant règne sans partage sur le Village. Il y a bien eu, autrefois, quelques révoltes qui ont tenté de renverser sa dictature, mais ont toutes ont fini en bain de sang, ce qui fait qu'au final le monstre a été accepté par la population. Chaque année, les villageois lui payent un lourd tribut alimentaire et lui offrent en sacrifice une jeune vierge. Celle-ci meurt traditionnellement de dégoût après sa 'nuit de noces' et le village l'honore pendant trois jours en ne mangeant plus de viande (et en prenant des petits gâteaux spéciaux avec le thé).
Cette année, la jeune victime a été choisie, ce sera la belle Elsa, fille de l'archiviste Charlemagne. Tous deux, résignés comme le reste du village, consentent à ce sacrifice. Elsa mourra, Charlemagne aussi, de chagrin et d'impuissance. Ils laisseront leur chat Marinette seul. Voilà. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
C'est alors qu'arrive au Village un jeune héros professionnel, Lancelot. Ses pas le mènent chez Charlemagne et Elsa où il apprend tout du malheur à venir. Ill décide tout naturellement de défier le Dragon et de tomber amoureux d'Elsa qu'il trouve jolie. Personne ne l'en croit capable, et d'ailleurs, personne n'a l'air de souhaiter la mort du tyran. Mais il s'en fout, c'est un héros, il va faire son boulot et puis c'est tout.
Ce conte en trois actes du dramaturge russe Evguéni Schwartz, dissimule sous le rire une critique des régimes totalitaires de l'époque - et d'aujourd'hui. Il n'y pointe pas du doigt tant les tyrans que le peuple qui les accepte ou même, qui les créé. Se gardant bien d'apporter les moindre réponses, il questionne sur notre capacité à nous révolter : qui serais-je dans cette fresque de caricatures? Si un dragon venait se poser sur mon village serais-je un artisan-résistant, un chevalier-héros, un jardinier-collaborateur, une jeune fille silencieuse et docile, un âne indifférent... Pourrais-je devenir Dragon moi-même?
Pointant du doigt des sujets très sensibles dans la Russie de cette époque, la pièce a été censurée par le régime de Staline après sa première représentation. Elle n'a été représentée qu'une seule fois du vivant de l'auteur.
Elle est fréquemment jouée depuis, en Russie comme ailleurs.
Traduction d'André Markowicz